Page:Brassard - Les Mémoires d'un soldat inconnu.pdf/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
134
adolphe brassard

rêve. Où logeait-il donc ce rêve pendant toutes ces années d’horreur ? Dans quel repli de mon âme ou de mon cœur se tenait-il pour monter ainsi si véridique, si possible, si vivant ? Et je sais que c’est la vie que j’aurais vécue qui s’est ainsi prolongée, avec ses possibilités de bonheur, planant, seule, au-dessus de la vie d’erreur qui est mienne. Et lorsque le sommeil l’a éloignée cette vie d’erreur, l’autre, la vraie, la mienne, est venue me trouver. Et maintenant, quand je survivrais, elle ne peut être vécue ! Je lui dis un adieu désespéré, et elle s’estompe à regret, se volatilise dans l’odeur de phénol qui sature ce local d’hôpital.

La garde-malade s’approche de mon lit :

— Ah ! tiens, vous voilà vaillant, mon ami. Soyez patient, un jour prochain marque votre convalescence. On enlèvera ces bandages, vous pourrez marcher, vous promener dans le parc qui entoure l’hôpital. Voyez d’ici les