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les mémoires d’un soldat inconnu

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Je marche un peu chaque jour ; mes forces reviennent ; je puis avec mes béquilles arpenter les corridors.

Triste comme un hôpital. Si l’expression est juste en temps ordinaire, elle devient poignante en temps de guerre. Ici, c’est une procession continuelle de blessés affreusement blessés, victimes innombrables de l’inouïe catastrophe mondiale que rien ne semble être capable de faire cesser.

Les salles d’opérations ne connaissent pas l’inactivité. Les corps se succèdent sans interruption sur la table de métal à bascule.

Jours et nuits, on sectionne, on râcle, on ampute. Des mains, des pieds, des jambes et des bras complets, tombent sous la scie ; les scalpels s’enfoncent, taillent à pleine peau, et les pinces extirpent, arrachent des yeux, des moitiés de visage ; pas une seule partie du corps n’échappe aux outils de la chirurgie ; les infirmiers ne fournissent