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les mémoires d’un soldat inconnu

saient, les pièces de leur propre châtiment. Et, quand les produits de leurs arsenaux et les engins de mort à leur facture sont venus les terroriser, elles ont accusé le Ciel de leur malheur, et, pour braver, elles ont pointé leurs pièces d’artillerie vers les nues, et le ciel a fait retomber sur la terre cette pluie de fer et de feu : « Homme, tu te serviras de ton œuvre ». Arrogantes et superbes, les nations ne se sont pas courbées dans la pénitence devant cet univers de ruines et de morts dont l’étendue se comparaît à l’envergure de leurs crimes, et les sacrifiés, connus et inconnus, de la guerre ont donné en vain leur belle et ardente vie pour apaiser le courroux du Sei­gneur, car les crimes non accusés restaient impardonnés.

Pour amoindrir aux yeux restés clairvoyants l’épouvante du choc des armes, on a voulu faire voir de la beau­té, de la grandeur, dans l’affreux spectacle de la guerre, mais les actions d’éclat et d’héroïsme n’ont été qu’une ombre falote à côté des menées rapaces de ceux que la guerre enrichissait. Du vague tombeau qui me tient, je vois leurs