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les mémoires d’un soldat inconnu

honore de discours dont les paroles, après avoir cherché vainement celui auquel elles s’adressent, se collent à la surface lisse de mon monument, je possédais un nom qui n’aurait pas connu l’oubli, et des mains pieuses seraient venues fleurir ma tombe.

Dépouillé de tout, perdu dans ce néant où l’on m’a jeté, introuvable au souvenir de ceux que j’ai connus et aimés, je n’en demeure pas moins un être qui a eu son foyer, ses parents, ses amis ; qui a fait des plans d’avenir, ri et chanté, parlé, tout en mangeant les mets que l’on apprécie.

Mais oui ; et comme vous, enfant, j’ai aimé les jeux, les rondes au soleil, les courses en plein air, la neige, les giboulées joyeuses, les Noëls tout blancs, les Jours de l’An avec leurs souhaits, leurs baisers, leurs étrennes. Jeune homme, tout comme vous, j’ai aimé les soirées près de l’aimée ; j’ai aimé la musique, les fleurs, toutes les beautés qui parlent à l’âme et caressent les yeux. Près du lac aux vaguelettes soulevées de clair de lune, j’ai rêvé d’une vie douce, remplie de devoirs beaux et grands. J’ai aimé la