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les mémoires d’un soldat inconnu

Nous sommes douze dans notre camion, coincés entre des caisses d’approvisionnements. Parmi le groupe, il s’en trouve auxquels il manque un œil, des doigts ; mais qu’est-ce que ça fait ? Il paraît qu’en Allemagne on en retourne au front qui ont des jambes de bois. Alors, on est moins difficile. Et puis, les classés « A » ça se fait rares. Ensuite, pour se mesurer avec les aliénés des asiles boches, c’est pas nécessaire d’être marqué numéro I, s’pas ?

La route que nous suivons est impraticable. Elle nous secoue en tous sens.

— L’salon est trop plein, hurle un borgne : y’a pas d’place pour la marquise.

— Ferme ta gueule ! lance une voix avinée : tu m’coupes ma chanson.

Et, larmoyant, il entonne un couplet qui décrit les infidélités de sa maîtresse. On fait chorus. Et des couplets il y en a dix, et ça fait autant de refrains et de cochonneries. Et ça s’alterne de dialo-