Page:Brassard - Les Mémoires d'un soldat inconnu.pdf/189

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
183
les mémoires d’un soldat inconnu

de fiel, et la tristesse des automnes planera sur les printemps.

Les feux des artilleries brûlent l’oxygène, l’air est nul, les veines des tempes se gonflent, des piqûres lardent les poumons. Mon jeune protégé, pressé contre moi, respire avec effort, la bouche ouverte, pris de panique. Je l’encourage, je le console, je le couvre de mon corps, mon pauvre corps qui a tout donné, tout perdu.

— T’en fais pas, petit, ça va se passer !

Et chez l’adolescent, pris des coliques du feu, ça passe.

Il reste tout désorienté, piteusement décontenancé.

— Allons, allons, petit, il n’y a pas de quoi : tous, nous avons connu ça. Va derrière ces broussailles : c’est la buanderie.

Il en revient honteux, mais cet intermède l’a distrait de son effroi. Il est plus calme mais gêné.