Page:Brassard - Les Mémoires d'un soldat inconnu.pdf/193

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
187
les mémoires d’un soldat inconnu

gnon. Il est à demi inconscient, le visage bleui. Il se débat sous l’air qui ruisselle dans ses poumons et semble vouloir les geler. Je sais. Ses yeux chavirent et s’injectent de sang. Aurait-il avalé du gaz ? Je le frictionne, lui masse les bras et les jambes ; je lui souffle dans la bouche, et il revient à lui. Non, il n’a pas avalé de gaz ! Je le vois à sa respiration qui ne dérape pas.

Pauvres enfants, que Dieu se voile la face !

***

Le temps va avec des alternatives de combats et d’accalmies plus prolongées. L’hydre agonise-t-elle vraiment ? Elle a encore des soubresauts terribles, des révulsions. Mais elle achève, je le crois. Et plus que jamais, je protège mon jeune compagnon. Je trouve et j’invente à son endroit des ruses qu’envierait un stratégiste. J’ai pour lui l’affection d’un père et l’amitié d’un homme. La vie dure des camps et des tranchées l’a développé, musclé, bronzé.