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les mémoires d’un soldat inconnu

Et je le découvre lui, l’ami, le fils. Il est là, étendu, la figure au ciel, près d’un arbre dont les branches murmurent en se balançant. La pression de l’air venue de l’explosion l’a dévêtu ; son beau corps de jeune dieu est broyé. Son front est mort, ses yeux sont morts, ses membres sont morts. Une ombre de vie palpite un moment à son flanc ouvert, et s’en va. Je me penche, je prends le mort dans mes bras, et, aussi livide que lui, je le dresse à la face du monde, et je crie à l’univers :

— Ce n’était pas assez, il a fallu le prendre, Lui ! Lui !

Ah ! on célèbre la signature de l’armistice dans un tintamarre où les cris et les hurlements dominent, c’est un tapage assourdissant qui est comme la continuation du vacarme du feu des artilleries, alors qu’on devrait accepter l’événement libérateur dans le recueillement émouvant d’une profonde méditation salutaire. Les ruines matérielles accumulées par le cataclysme mon-