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les mémoires d’un soldat inconnu

— Artiste, mon vieux, artiste recherché des cabarets pleins de bons vins, de jolies filles, et où la gaieté fait des abat-jour aux lampes, tu sais ?… Et toi ?

— Té ! chez la vieille mère qui attend dans sa cabane sur la grève. On reprendra la barque, les filets. Curieux, ça me chicote de quitter ces lieux.

— C’était pourtant pas rigolo.

— Non, mais on laisse tant de copains couchés sous la tourbe.

— Eh ben ! si tu ne veux pas les abandonner, balade-toi un peu dans les environs, ton pied cognera sûrement quelque grenade perdue et tu y resteras avec les copains. Et puis, tiens, plus de cela, parlons d’autre chose. Ah ! Paris, Montmartre, les boulevards ! La chambrette sous les combles, la lucarne qui jette des brassées de ciel sur le parquet et des tranches de lune dans son lit. Ah ! dormir, rêver, et être réveillé par les rayons du soleil dont la pointe chatouille les paupières et force à rire !

— Hé ! te voilà lyrique. Ça te prend souvent ?

— Si je ne me retenais pas, je sauterais comme un gamin qui étrenne une culotte.