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adolphe brassard

C’est la relève. Nous rencontrons les soldats que nous devons remplacer dans le secteur. Ils sont boueux, l’air hagard. Je les trouve magnifiques.

Nous allons avec prudence. Ce n’est pas encore la première ligne, mais la zone est dangereuse. Des fusées montent dans la nuit et, si leur trajectoire lumineuse est féerique, le sifflement des obus qui suit l’est beaucoup moins. Je récapitule mes leçons d’entraînement. Tout est frais à ma mémoire. Cela stimule mon ardeur combative qui se manifeste par un moulinet de ma baïonnette dans le vide. Tout à coup, un glissement rauque dans les airs et qui grandit, avertisseur, dans notre direction. Un ordre bref nous couche à l’abri du talus. Un moment, et une détonation formidable se répercute dans nos os. C’est le baptême du feu, et notre parrain est un obus. Il vient de tomber tout proche, et la poussière qu’il soulève cache la mort. Le faisceau lumineux d’un réflecteur balaye notre position.