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adolphe brassard

Impatienté, je me range avec les autres le long du talus pour laisser passer un groupe qui vient de déboucher de l’ouverture du boyau où nous nous engouffrerons tantôt. Ce sont des territoriaux. Devant eux marchent trois prisonniers. Ils sont crasseux, stupides. Et c’est ça l’ennemi ? J’éloigne le dédain qui étire ma lèvre. Ce sont des prisonniers. Je les regarde froidement, mais je n’oublie pas le code d’honneur et de chevalerie. Ces vaincus ont droit à des égards. Le groupe s’avance à cinquante pas au milieu du rond-point, les prisonniers le distançant d’autant. Je les suis des yeux et, soudain, ils disparaissent, fauchés. Étaient-ils des bombes ambulantes ? Les territoriaux reviennent vers nous en riant,

— Nous en avons disposé, dit l’un d’eux avec un signe brutal à l’adresse des débris humains. Ça fait assez longtemps qu’on les balade comme des mioches. On n’est pas des nourrices. On