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adolphe brassard

fluer. Notre air reposé les fait paraître plus misérables. Je les trouve moins magnifiques.

***

Nous entrons dans la tranchée que viennent de quitter ceux que nous avons rencontrés. Le jour pointe. Dans les parois d’argile, gravées avec les ongles ou au couteau, sur la toile rude des sacs de sable, écrites au plomb, un peu partout, des sentences, des obscénités, des invocations jaculatoires. J’enlève un crucifix qui voisine avec des dessins orduriers. Des rats trottent dans la boue qui garde encore la forme des corps qui s’y sont couchés. Nos places nous sont assignées. Pas de curiosités inutiles. Je regarde quand même par l’interstice de deux sacs de sable. Devant moi, c’est une bande de terre où zigzaguent les fils barbelés. Ils nous défendent de la tranchée ennemie qui, paraît-il, se rapproche par endroits si