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adolphe brassard

pé. Je me bats pour rien, et je pleure mon sort.

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Nous mourons, et dans l’esprit populaire, nous mourons par amas, par monceaux, par régiments, non par unités, quand chacun a ses souffrances à soi, son agonie à soi, sa mort à soi. Chacun a son coin pour mourir : c’est son lit, un lit si souvent vide de chevet, de toute présence, de toute consolation. On meurt en masse, mais isolé, en appelant ceux qui ne viennent pas. Tous et chacun, nous avons eu, nous aussi, notre enfance, ses caresses, et nos pas trébuchants. Nous avons nos parents, nos amis, et, dans le cœur, le souvenir des années vécues et l’espérance en celles que nous escomptions vivre. Tout ça nous suit dans les tranchées, dans les combats, et quand nous tombons pour mourir tout ce qui fait votre vie, à vous, et qui faisait aussi la nôtre, apparaît vivant devant les yeux expirants ; c’est palpable et combien char-