— Même donner la mort ? S’accommoder d’une longue absence ?
La nouvelle était officielle que Paul Bordier devait partir sous peu pour la Nouvelle-Angleterre, où il resterait quatre mois afin de surveiller le parachèvement d’une église érigée suivant ses plans.
— Oh chère madame, excusez-moi, reprit Luce sur un ton apitoyé, je ne voulais pas faire allusion à la longue absence forcée de votre mari. Vous accompagnerez monsieur Bordier aux États-Unis ?
Devant le mutisme d’Alix, la veuve eut un frémissement joyeux.
— Hum, se dit-elle, ça devient intéressant. Depuis le retour de son voyage de noces monsieur court la prétantaine, et madame reste à la maison ; monsieur part pour quatre mois, madame ne le suit pas.
Béatrice plissa ses yeux gris.
— Toi, mon frelon, attends que je te retrousse la lancette.
— Ma chère Luce, dit-elle avec candeur, lorsqu’il est question d’absence, pour l’amour, il s’agit, c’est compris, d’absence éternelle, et…
Elle s’arrêta, stupide. Puis avec une fougue bien jouée, elle embrassa Luce plusieurs fois.
— Chère, chère, pardonne-moi ! dis que tu me pardonnes de t’avoir rappelé si brutalement ton veuvage… Suis-je assez sotte ! Ah, tiens, parlons d’autres choses…
— Mais pourquoi changer le cours de la conversation, reprit Luce, je t’assure Béatrice que d’avoir parlé de mon veuvage, déjà vieux de deux ans, ne m’a pas