Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/192

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
176
LA VIE DE FAMILLE

qui est grand en perdant ce qui est petit. Vous prouverez ainsi que vous mettez fin à des rapports faux et vous attirez les premiers-nés du monde, ces rares pèlerins, dont un ou deux seulement se montrent à la fois dans la nature.

..................

« Il m’a paru, dans ces derniers temps, plus facile que je ne le pensais autrefois de conduire une amitié avec grandeur d’âme d’un côté, sans que l’autre y réponde. Pourquoi me laisser troubler par le chagrin de voir que mon objet n’a pas la puissance de répondre à mes sentiments ? Le soleil ne se trouble point parce que plusieurs de ses rayons tombent inutilement dans un espace vaste et ingrat. Que votre grandeur fasse l’éducation de cet objet brut et froid. S’il est indigne, il ne tardera point à s’éloigner, mais vous vous serez agrandis par votre propre éclat. Aimer sans être payé de retour est considéré comme une humiliation. Mais une grande âme sait qu’un amour vrai ne peut pas rester sans réponse. L’amour vrai passe par dessus l’objet indigne, habite et se cicatrise dans ce qui est éternel. Quand le misérable masque tombe, il ne s’afflige pas, mais il se sent débarrassé de beaucoup de poussière et sait que son indépendance est d’autant plus assurée.

..................

« Une grandeur d’âme parfaite et la confiance sont la moelle de l’amitié. Elle traite son objet comme un dieu, afin qu’ils soient divinisés tous deux. »

C’est magnifique et grand seigneur, diras-tu, et — très-partial. — Oui ; mais il y a en ceci quelque chose de bien et de grand, qui me plaît. Du reste, il est fort difficile de donner, par des citations, une idée juste de la manière de penser d’Émerson. Ses Essais sont une chaîne composée de