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DANS LE NOUVEAU-MONDE.
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« Ces jeunes gens sont revêches à notre égard, mais véritablement nos aides. Par la franchise de leur mécontentement, ils montrent notre pauvreté, et l’insignifiance de l’homme aux yeux des hommes…

« Ces enfants exigeants nous font souvenir de nos défauts ; la seule attention qu’ils nous accordent est celle d’une attente sans mesure ; ils blâment et exigent avec sévérité. Pourvu qu’ils persistent à rester fermes dans ce beffroi, et à être exigeants jusqu’à la fin et sans fin, ils deviendront des amis redoutables que poëtes et prêtres devront respecter et craindre : lors même qu’ils se nourriraient de vent et s’abreuveraient de nuages, ils n’en auraient pas moins été utiles à l’espèce humaine.

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« À cette époque où chaque voix s’élève en faveur d’une route ou d’une loi nouvelle, d’une souscription pour former un capital en vue des progrès des vêtements ou de l’art, pour fonder une maison nouvelle ou un commerce plus étendu, pour un parti politique, ou l’acquisition de propriétés, — vous ne voulez pas supporter une ou deux voix solitaires, parlant en faveur de pensées et de principes non vendables ni passagers ? Bientôt ces progrès et ces inventions seront remplacés par d’autres, ces villes seront détruites, toutes choses changées, oubliées. — Mais les pensées que ce petit nombre de solitaires auront cherché à propager, par le silence comme par leurs discours, par ce qu’ils auront fait ou non, subsisteront en beauté et en force, s’organiseront de nouveau dans la nature, pour se revêtir d’une poussière nouvelle, peut-être plus noble et plus heureuse que la nôtre, en union plus complète avec le système du monde. »