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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

l’un des émigrants, les frères qui avaient jeûné et prié avec nous et pour nous donnèrent une fête d’adieu dans la maison de notre pasteur, qui était vaste. Et nous nous rafraîchîmes après nos larmes, en chantant des psaumes, en exécutant une joyeuse musique dans nos cœurs aussi bien qu’avec nos voix ; car plusieurs membres de la paroisse étaient habiles musiciens. Ensuite ils nous conduisirent à Delfthaven, où nous devions nous embarquer, et nous y régalèrent de nouveau. Après la prière récitée par notre pasteur, et durant laquelle des larmes furent répandues, ils nous accompagnèrent jusqu’au navire. Cependant nous étions hors d’état de causer ensemble, par suite du grand chagrin que nous faisait éprouver notre séparation. Mais, du navire, nous leur donnâmes un salut, puis nous tendîmes nos mains les uns vers les autres, et nous élevâmes nos cœurs vers le Seigneur les uns pour les autres, et nous mîmes è la voile. »

Des vents favorables conduisirent bientôt les pèlerins sur les côtes d’Angleterre ; mais il fallut y faire réparer le plus petit des deux navires, la Véronique. À peine eurent-ils perdu de vue les côtes anglaises en voguant sur l’Océan, que le capitaine et l’équipage de la Véronique, perdant courage devant la grandeur et les dangers de l’entreprise, voulurent retourner en Angleterre. Les passagers demandèrent alors à passer sur l’autre navire ; et, quoique « ce fût triste et décourageant, » ceux de Fleur-de-Mai y consentirent. Cette petite réunion de femmes et d’hommes courageux, — plusieurs des premières étaient dans un état de grossesse avancée, — persévéra dans son entreprise. La Fleur-de-Mai, chargée d’enfants, d’ustensiles de ménage, de bestiaux, véritable village flottant, se balança en avant sur le grand Océan, dans la saison de l’an-