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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

aussi des lettres qu’ils ont reçues de mademoiselle Margaret Fuller, maintenant la marquise Ossoli, car son mariage est déclaré, et madame Russell avait complétement raison. Madame Ossoli est en route avec mari et enfant pour l’Amérique, où elle veut se fixer. À bord du même navire est le jeune homme qui est allé à Saint-Pétersbourg faire hommage d’un gland à l’empereur de Russie. La dernière lettre de madame Ossoli est datée de Gibraltar. Elle décrit d’une manière touchante la belle soirée où le corps du capitaine (il était mort de la petite vérole) fut descendu dans la mer, éclairée par un soleil couchant ardent, et sur laquelle de petites voiles blanches se reposaient. « On dirait les ailes éployées des anges. » Toutes ces lettres sont empreintes d’une certaine mélancolie, d’une disposition d’esprit des plus nobles : mais je n’y trouve aucune trace de l’arrogance, de la fierté que je lui supposais, d’après certaines circonstances qu’on m’avait rapportées. Madame Ossoli parle avec Rebecca de sa joie maternelle, de son bel enfant en termes entraînants. « Je comprends à peine mon bonheur, dit-elle dans un endroit, je suis la mère d’un être immortel ! Que Dieu aie pitié de moi, pécheresse ! » Cela ne paraît pas très-fier. Elle a envoyé une cassette remplie de cadeaux et de souvenirs pour ses amis, « dans le cas, écrit-elle, où je ne reverrais point ma patrie. » Madame Ossoli s’est mise en route avec de fâcheux pressentiments, et depuis que le bon capitaine du navire est mort, ils se sont accrus. Cependant tout a bien marché jusqu’ici ; sa mère, trois frères, une sœur unique (la jeune et aimable femme de Concord) et une foule d’amis l’attendent avec impatience et joie.