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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

partie souffrante de l’humanité, et toi surtout, mon Agathe, vous pussiez être transportées ici pour respirer cet air, voir la splendeur ravissante du ciel et de la terre, et vous rétablir comme par l’effet d’une baume de vie. Je comprends que les navigateurs qui atteignirent des premiers ce rivage, sentirent ces zéphyrs, respirèrent cet air doux, crurent avoir trouvé la source d’une jeunesse éternelle.

Pendant ces délicieuses journées, j’ai fait des excursions dans les environs avec madame Howland et autres connaissances. Partout, après avoir fait un bout de chemin dans des sables profonds, — on commence à établir des routes en bois sur lesquels il est fort agréable de rouler — on arrive dans la forêt. Et la forêt ici, c’est une espèce de désert, de paradis enrichi d’une foule d’espèces d’arbres et de plantes qui m’étaient inconnus. Rien n’y est rangé, ordonné ; les végétaux y croissent avec une magnificence sauvage ; le myrte et le pin, le magnolia et le cyprès, l’orme et le chêne, s’enlacent, et il en est de même des arbres dont je ne connais pas le nom.

Le plus magnifique de tous et le plus abondant est le chêne-vert, arbre immense ; de ses branches tombent en lourdes draperies des masses de lianes d’un vert gris : leur effet est des plus pittoresques, et dans les endroits où ces arbres sont plantés avec un peu d’ordre, ils forment de magnifiques églises gothiques naturelles avec de belles arcades, des portiques à voûtes élevées. Sous ces patriarches à longues barbes fleurissent une foule d’arbres plus petits, des buissons, des plantes sarmenteuses, surtout des vignes, qui embaument l’air et brillent dans les haies, à la cime des arbres, où elles élancent leurs rameaux sauvages et riches de fleurs, entre autres le jasmin jaune sauvage, la rose