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LA VIE DE FAMILLE

ajouta que l’institution de l’esclavage a une influence encore plus défavorable sur les femmes que sur les hommes, dont elle fait souvent des maîtres excessivement durs.

Le 18.

Je viens de faire une course solitaire dans les plantations ; elle m’a fait du bien, en me prouvant que les esclaves du pêcher s’étaient réellement moqués de moi. Pendant ma course, j’ai vu sur la lisière d’un champ de riz vingt-cinq ou trente jolies petites marmites en cuivre, avec couvercle ; je soulevai l’un de ceux-ci, et vis que le vase contenait une nourriture fumante, et qui sentait fort bon. Dans quelques marmites, il y avait des haricots bruns, dans d’autres des gâteaux de maïs grillé. Je vis venir les esclaves de loin, ils longeaient le champ ; je les attendis et leur demandai la permission de goûter leur dîner : je dois dire qu’il m’est rarement arrivé de rien manger de meilleur et d’aussi bon goût ; les haricots étaient bien cuits avec du bouillon et du lard, un peu trop poivrés pour moi, mais très-bons, ainsi que les gâteaux de maïs et le reste. Les nègres s’assirent sur le gazon et mangèrent, les uns avec des cuillers, les autres avec des morceaux de bois, et ayant chacun leur petite marmite, qui contenait une portion abondante. Ils paraissaient contents, mais ils étaient fort silencieux. Je leur dis que les travailleurs de mon pays avaient rarement une aussi bonne nourriture que la leur. Je n’étais pas venue pour prêcher la révolte parmi les esclaves, et le malheur auquel je ne puis pas remédier, j’aime à le soulager quand la chose est en mon pouvoir. Du reste, ce que je disais était malheureusement vrai ; mais je n’ajoutai pas ce qui était vrai aussi, c’est