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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

que je préférais vivre libre avec peu à manger que d’être esclave avec une nourriture abondante. Au retour, je rencontrai un vieux nègre très-bien vêtu, qui pêchait dans un petit ruisseau ; il appartenait à M. Poinsett, qui l’avait déchargé de tout travail, vu son âge. J’appris de ce vieux et sage nègre diverses choses qui me réjouirent. Dans plusieurs endroits, j’ai vu les noirs à leurs repas : déjeuners et dîners étaient bons et copieux. Je guettai mes nègres du pêcher et les vis revenir du travail avec beaucoup d’autres vers cinq heures. L’un d’eux, en m’apercevant, sauta pardessus une haie, et me demanda, en montrant ses dents blanches, un demi-dollar.

20 avril.

Bonjour, chère Agathe ! je viens de faire mon second déjeuner, c’est-à-dire j’ai mangé des bananes. On apprend à aimer ce fruit ; il est doux, agréable et d’un effet salutaire sur moi comme l’air moelleux de ce pays, quand il est moelleux ; car il est sujet à de grandes variations. Hier le thermomètre est descendu dans la journée de vingt-quatre degrés ; il faisait tellement froid, que mes doigts étaient roides comme des glaçons. Aujourd’hui on sue, assis tranquillement à l’ombre.

Pendant deux jours nous avons été à de grands dîners chez des planteurs qui habitent à quelques milles de Casa Bianca, gens bienveillants et agréables ; mais les grands repas me tourmentent tellement, ces mets me font tant de mal si j’en mange, que je désire de tout mon cœur de me pas être obligée d’aller à d’autres dîners. Hier, en passant sur un chemin des plus sablonneux, nous nous arrêtâmes dans une forêt pour laisser reposer les chevaux, et plus