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LA VIE DE FAMILLE

avant, dans cette forêt, je vis un village d’esclaves, ou des maisons ressemblant aux leurs, mais placées avec une irrégularité qui n’est pas ordinaire et en mauvais état. À ma demande, M. Poinsett m’accompagna de ce côté. Je trouvai en effet les maisons dans le plus pitoyable état, et dans celles-ci — des nègres et des négresses âgés et malades. Dans une chambre se trouvait un jeune garçon très-gonflé, on l’aurait cru hydropique ; — la pluie et le vent pouvaient entrer librement par le toit. Cette chambre était nue, il n’y avait pas trace de bois ni de feu, quoiqu’il fît froid. Dans une autre et misérable maison, nous trouvâmes une vieille femme couchée sur des haillons comme un chien dans son chenil. C’étaient donc là les soins qu’un planteur donnait à ses serviteurs vieux et malades ! Combien ces infortunés sont alors malheureux et quel regard de pitié se tourne vers eux, excepté celui — de Dieu !…

Dans un village d’esclaves établi près de la maison du maître, j’ai vu des nègres qui étaient fort bien, et leurs maisons en bon état ; mais j’ai remarqué chez les hommes jeunes des regards sombres, insolents, et n’exprimant aucune affection pour leurs maîtres. Ce n’était pas agréable à voir. En revenant, nous traversâmes plusieurs villages du même genre ; le feu brillait dans ces petites maisons (chaque famille a la sienne), et les nègres étaient rentrés de l’ouvrage de bonne heure.

Le pays d’alentour est une plaine sablonneuse et boisée. La forêt se compose en très-grande partie d’une sorte de pin jaunâtre (pinus australis, ou pin inflammable) ; il a de grandes touffes de feuilles longues, qui ressemblent parfois aux palmettes. C’est furieusement uniforme. Mais de jolies et hautes fleurs, des lupins et de belles azaléas roses croissent entre les arbres et en éclaircissent la teinte. Il