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LA VIE DE FAMILLE

tune, ils tombent dans une misère affreuse et sans remède. Les sophistes, qui ne veulent voir l’institution de l’esclavage que du côté du soleil, nient, en général, l’existence de rien de pareil à ce que je viens de dire. C’est absurde, déraisonnable, et, du reste, j’en ai déjà vu et entendu quelque chose ici. Je ne voulais pas croire ce que le Nord disait du Sud ; mais ce que le Sud dit de lui-même, je dois le croire. Et puis — le meilleur maître n’est pas un argument en faveur de l’esclavage ; car tôt ou tart il meurt, et ses esclaves sont vendus au plus offrant, comme des bestiaux.

Les esclaves qui travaillent dans les champs ne présentent pas un aspect récréatif ; leur couleur sombre et leurs vêtements gris, sans absolument rien de blanc, leur donnent un air sinistre. Les bonnets de coton tricotés que portent seulement les esclaves mâles ont d’ordinaire une couple de raies rouges ou bleues sur un fond gris. On prendrait ces esclaves pour des figures de terre. Nos paysans présentent un aspect bien différent avec leur linge blanc et leurs jolis costumes. Le village d’esclaves, au contraire, a, comme je l’ai déjà dit, plutôt un extérieur agréable, excepté qu’on y voit très-rarement des vitres ; les fenêtres consistent ordinairement en une ouverture carrée que l’on ferme avec un volet. Mais il paraît que c’est de même chez les blancs pauvres, et il y en a une foule dans la Caroline. Dans les villages nègres, on voit presque toujours une couple de souches brûler sur l’âtre, des ustensiles de ménage et de petits approvisionnements, comme chez nos tenanciers pauvres. Çà et là cependant on trouve une maison où il y a un peu plus d’aisance, quelques ornements et de bons lits. Chaque maison a son toit à porc, qui d’habitude en contient un en très-bon état. Les