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LA VIE DE FAMILLE

cert ; on aurait dit la parodie du spectacle auquel nous venions d’assister. Il faisait étouffant dans la tente ; on y était serré, malgré toute la peine que notre bonne hôtesse se donna pour que nous fussions bien. Madame Holland ne s’inquiétait que de moi. Ne pouvant goûter aucun repos, je voulus au moins, une fois encore, avant de me coucher, jeter un regard sur le camp. Il était plus de minuit ; l’air éclairci était si suave, le spectacle si beau, que je rentrai pour le dire à madame Holland. Elle s’habilla sur-le-champ et sortit avec moi.

Les feux des autels étaient bas, sombres, et la fumée roulait en arrière vers la forêt. Au-dessus du camp, le ciel était clair et la lune se levait ; l’étoile de la force (Jupiter) brillait sur le tabernacle. On chantait encore des hymnes, quoique plus faiblement, les solliciteurs exhortaient encore, la jeune fille dormait toujours, les femmes attendaient son réveil et l’éventaient. Quelques âmes oppressées, courbées encore sur la table-autel, écoutaient les discours et les chants consolants des prêtres. Peu à peu les personnes réunies sous le tabernacle se dispersèrent dans la forêt ou se retirèrent dans leurs tentes ; la jeune fille endormie s’éveilla enfin, et fut emmenée par les siens. M. Richards était venu nous rejoindre, et nous entreprîmes avec lui de faire le tour du camp du côté des noirs. Ici, tout était encore animé d’une vie religieuse exaltée ; nous en vîmes une scène nouvelle dans chaque tente. C’était un homme ou une femme en prières dans l’une, et donnant de l’air à ses nouveaux sentiments, entourée de pieux auditeurs ; dans une autre, des noirs en prières, vêtus de blanc, se frappaient la poitrine, et parlaient avec le plus grand pathos ; dans une troisième, les femmes dansaient la danse sainte devant l’une des nouvelles conver-