Page:Bremer - La Vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 1.djvu/408

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
392
LA VIE DE FAMILLE

d’une manière grande et noble, en prenant lui-même cette question en main, en faisant des lois, une loi du moins pour amener l’émancipation graduelle ?

J’avoue qu’à mes yeux les États du Sud perdront une grande partie de leur charme, de leur originalité, en perdant leur population noire. Les bananes, les nègres et les chants des nègres, c’est ce que j’ai trouve de plus vivifiant pour l’esprit dans les États-Unis. Quiconque dans la vieille ou dans la Nouvelle-Angleterre est tourmenté par le spleen ou la dyspepsie, par la trop grande tension d’esprit ou des nerfs, fera bien de m’écouter quand je lui dirai : « Allez au Sud, mangez des bananes, regardez les nègres, écoutez leurs chants ! cela vous guérira. » Si l’on y joint la forêt primitive avec ses fleurs et ses parfums, et les rivières rouges… Mais les nègres, avant tout, ils sont la vie et la bonne humeur du Sud.

Plus je les vois, plus j’étudie leurs gestes, leur caractère, leur manière de parler, leur manière d’être, plus il est évident pour moi qu’ils forment une race à part dans la grande famille humaine, qu’ils sont destinés à représenter une physionomie particulière, une forme différente du vieux type de l’homme, et cette physionomie, c’est leur esprit d’enfant.

Madame Howland m’a conduite hier au soir dans un endroit de la ville où les nègres, venus pendant le jour des plantations à Charleston pour vendre leurs petits ouvrages (paniers, nattes tressées, etc.), et les produits de leurs jardins, démarrent du rivage pour s’en retourner. Ils revenaient à leurs bateaux avec des paquets noués à la main, des cruches sur la tête, et toute espèce d’ustensiles remplis des provisions qu’ils avaient achetées en remplacement des objets vendus ; les principaux articles étaient du