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LA VIE DE FAMILLE

saient contre nature au plus haut degré ; elles avaient des visages doux mais sans expression ; je n’en ai pas vu un seul de joli. Les hommes étaient mieux et plus naturels ; ils dansaient avec plus de vie, quoique cet exercice eût souvent l’air ridicule. Tout redevint calme une seconde fois, et les Trembleurs s’assirent sur leurs bancs. Alors s’avança un frère (d’une quarantaine d’années environ), front étroit, yeux noirs très-enfoncés, étincelants ; tout son extérieur annonçait un homme à idée fixe et fanatique pour elle ; se plaçant en face des spectateurs, il leur parla à peu près ainsi :

« Vous nous voyez réunis dans une salle que nous avons construite nous-mêmes, pour y pratiquer un culte en conformité avec notre conscience. Si vous êtes venus pour nous voir, par considération pour nous et notre culte, et si vous vous conduisez en conséquence, vous serez les bien-venus. Dans le cas contraire, vous n’êtes pas les bien-venus. Causons maintenant ensemble, voyons ce qu’il y a entre nous, ce qui nous sépare. » Il continua en faisant le portrait de la société des Trembleurs, en la mettant en opposition avec la société mondaine : la première renonce au monde et ne vit que pour le ciel ; la seconde ne vit que pour les jouissances égoïstes de la terre. Nous eûmes tous une verte réprimande à l’occasion de nos péchés, interrompue seulement par des invitations du genre de celle-ci : « Venez, méditons ensemble ! répondez-moi, » etc. Il aurait été extrêmement facile de répondre à ce bon frère l’Ancien Évans (comme on l’appelait), de réfuter une grande partie de ses accusations et surtout l’éloge qu’il faisait de sa secte. Je fus étonnée de ne pas entendre une voix de l’assemblée, si fortement sermonnée, s’élever pour lui répondre ; mais on garda le silence. La danse prit une