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DANS LE NOUVEAU-MONDE.

autres habitations suédoises. En marchant je l’interrogeai sur sa vie, et j’appris, sans qu’elle proférât une seule plainte, tout ce que cette vie offrait de difficultés. La plus grande, pour les colons de l’Ouest, était celle de se procurer des aides pour le travail, ou ce que nous appelons des valets et des servantes : quelquefois on n’en peut trouver à aucun prix ; si la force faiblit alors, si la maladie ou un malheur arrive, le besoin grandit en même temps. Tandis que nous étions assises sur le bord du lac paisible, couronné par des arbres et des buissons touffus, parés des différentes teintes de l’automne, nous entendîmes la voix joyeuse de Bergvall, qui conduisait ses bœufs à l’abreuvoir, et ne tardâmes point à voir de magnifiques cornes passer à travers le feuillage épais.

Nous nous dirigeâmes ensuite du côté de la plus ancienne colonie suédoise du lac des Pins, où madame Petterson, veuve et mère de ma compagne, nous attendait avec le café. Nous étions, M. Lange et moi, dans notre petite voiture découverte ; les autres familles suédoises nous suivaient dans des véhicules attelés de bœufs. Parmi elles se trouvaient un jeune Suédois marié à une Américaine, épaisse veuve d’un certain âge, assise, avec parasol ouvert, dans une voiture, tandis que son jeune mari, à pied, dirigeait ses bœufs. L’un des fils de madame Petterson, âgé de vingt ans, nous précédait à cheval dans l’épaisse forêt pour nous montrer le chemin, et nous arrivâmes à une maison en bois située sur une hauteur avec la plus jolie vue sur le lac, qu’on voyait ici dans toute son étendue.

Madame Petterson, grande, et autrefois belle femme, vint au-devant de moi, appuyée sur sa béquille, le dos courbé, mais le visage rayonnant de bienveillance et de loyauté. Elle n’a pas encore cinquante ans ; les fatigues et