Page:Bremer - La vie de famille dans le Nouveau-Monde vol 2.djvu/444

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
436
LA VIE DE FAMILLE

décidé, d’où je prévois que nous aurons maille à partir relativement au prophète. Mais ce sera sans aigreur ; on : voit à son air que c’est un des bons swedenborgiens.

On a dansé dans le grand salon. Une jeune et jolie personne, évidemment poitrinaire, valsait avec une passion telle, qu’on aurait été tenté de croire qu’elle voulait se tuer ; son cavalier et courtiseur la suivait fidèlement sur cette route. Je n’étais pas gaie, et pensais à la fête de Noël en Suède et chez nous. On ne sait pas la célébrer ici.

L’église dans laquelle je suis allée le jour de Noël était jolie ; ses sombres vitraux interceptaient le jour. J’y ai entendu un sermon sec, dépourvu d’âme, et qui ne m’a pas édifiée. Il m’a semblé que la Nouvelle-Orléans était une ville sèche et ennuyeuse. Je pensais aux matines de Noël dans notre église de campagne, à la course en traîneau pendant le crépuscule du matin, et à travers la forêt de sapins sur la neige nouvelle. Je pensais aux petites chaumières de la forêt, avec leurs lumières scintillantes de Noël, au cortége des petits traîneaux de paysans, dont les grelots retentissaient gaiement sur la route ; je pensais à notre jolie et simple église appuyée sur le fond obscur de la forêt, et dont toutes les fenêtres resplendissaient de lumières, au beau spectacle, composé de paroissiens et de lumières qu’elle présentait à l’intérieur ; aux bons et braves campagnards avec leurs vêtements chauds : — je voyais le député de Thyresta entrer avec sa pelisse de peau de loups ; je voyais les yeux étincelants des enfants, j’entendais cet énergique chant plein de vie :

Salut, belle aurore !

Je le chantais de tout cœur : oui, c’était bien là une joie de Noël.