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LA VIE DE FAMILLE

térêts terrestres égoïstes, semblent avoir été enterrées avec lui. M. King, sénateur de l’Alabama, préside maintenant le Sénat à la place de Fillmore, et remplit cette fonction avec plus de rigueur, moins de grâce que son prédécesseur. Les articles de journaux pleuvent sur Fillmore, devenu tout à coup le premier personnage des États-Unis ; ils examinent sa vie privée, ses talents, son caractère, etc., sous toutes leurs faces. Comme le pilote sur son navire, l’homme d’État est exposé, dans ce pays, à tous les temps et coups de vent ; il ne tarde point à être tellement hâlé, qu’il finit par ne plus s’inquiéter du vent. Ce caractère du pilote est le seul qui convient à tout personnage public, homme d’État, fonctionnaire ou auteur. Que le vent souffle comme bon lui semble, la seule chose dont ils aient à s’occuper, c’est de marcher d’après la boussole, c’est-à-dire leur conscience ou conviction consciencieuse. Fillmore est aussi l’un de ces hommes du Nouveau-Monde qui se sent fait eux-mêmes. Fils d’un petit fermier, il n’a eu d’autre éducation que celle de l’école communale ; dans son adolescence, il a été apprenti tailleur, puis instituteur, ensuite copiste chez un homme de loi qui, frappé de ses heureuses dispositions, les a cultivées. La capacité de Fillmore n’est pas, dit-on, de premier ordre, mais on loue son caractère, son bon sens. On assure qu’au moment où il fut élu président, sa fille unique était (est encore) maîtresse dans une école de femmes de perfectionnement ; l’éducation des élèves qui en sortent est considérée comme achevée.

Quant à ma personne, je n’ai que du bien à en dire. Je vis dans un monde plein d’intérêt ; chaque jour, pour ainsi dire, me fait faire des connaissances, avoir des entretiens qui donnent naissance en moi à plus de pensées que je ne pourrai en méditer d’ici à longtemps. C’est fatigant, surtout