Page:Bringer - Le Mystère du B 14, 1927.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
20
le mystère du b 14

— Faites entrer.

Puis à Rosic :

— Je lui ai télégraphié de venir directement à Valence, au lieu de s’arrêter à Lyon !… Pauvre garçon !… À peine arrivé à Paris, il lui a fallu sauter dans un autre train pour revenir… Il doit être claqué… Mais j’avais besoin de son témoignage.

Le contrôleur entra :

— Monsieur, lui dit le procureur, vous aviez sans doute remarqué les voyageurs du B-14 ?…

— Dame !…

— Et vous pourriez les reconnaître ?…

— Facilement !

— Parfait ! Voulez-vous me suivre !…

Et il l’entraîna vers l’hôpital ; puis, le conduisant à l’amphithéâtre et le plaçant devant le cadavre sans tête :

— Voilà bien, n’est-ce pas, un de vos voyageurs ?

Le contrôleur jeta un coup d’œil vers le cadavre, puis, le plus simplement du monde :

— Cet homme n’était pas dans le B-14.

— Quoi ! s’exclama M. Chaulvet effaré. Mais c’est celui que nous avons trouvé, roide mort, dans le wagon…

— Possible ! mais il n’était pas parmi les dix voyageurs qui ont pris le train à la gare d’Arenc… Cela, je puis le jurer !

— Parbleu !… ricana Rosic, la tête trouvée dans l’Isère n’est pas la bonne !

— Je vous demande pardon, fit le médecin légiste qui avait rejoint le groupe. À ce sujet, le doute n’est pas possible. D’ailleurs, voyez vous-même : cette petite tache de vin sur le cou, à l’endroit où il a été sectionné, et qui se relie d’une façon parfaite !…

— D’ailleurs, ajouta le contrôleur, les deux voyageurs disparus n’étaient pas aussi grands que cet homme… il s’en faut, à vue d’œil, au moins de cinq centimètres, et ils étaient plus gros…

Alors le procureur et Rosic se regardèrent stupéfaits.

— Quel est donc ce cadavre ? fit M. Chaulvet.

— Parbleu, c’est le onzième voyageur, conclut Rosic.

Mais cela n’éclaircissait pas l’énigme, qui demeurait entière et combien indéchiffrable.


viii

le onzième voyageur



Voyons, résumons la situation, fit M. Chaulvet. Un homme a été assassiné dans le B-14… En gare, tandis que le wagon sanglant était garé, l’assassin a décapité le cadavre et a sauté dans le 234, qui était garé à côté… Il a jeté cette tête dans l’Isère… Or, voici M. le contrôleur qui nous assure, et le doute n’est pas possible, que ce voyageur qui a été assassiné ne se trouvait pas dans le train au moment du départ…

Le contrôleur des wagons-lits acquiesça de la tête.

— D’autre part, de ce même B-14, un homme a sauté dans ce passage du Robinel, c’est-à-dire une petite demi-heure avant que le B-14 entre en gare de Valence, où le crime a été découvert…, puisque le cadavre que nous avons n’était pas dans le train à son départ de Marseille, il faut bien admettre que le voyageur qui a sauté du train est un des deux qui se trouvaient normalement dans le train…

— Oui, fit alors le contrôleur, mais le signalement que vous en donnez, du moins son costume, ne répond nullement à l’un de mes voyageurs…

Rosic haussa les épaules :

— Ne discutons pas contre l’évidence… Ce voyageur a sauté du train, c’est donc qu’il s’y trouvait… Admettre que celui-là aussi n’était pas au départ serait supposer qu’il y avait douze voyageurs dans votre train ; or, n’est-ce pas, il n’y en avait que dix ?

— Oui…

— Donc, ce voyageur ne peut être qu’un complice… La chose me paraît claire…

À la vérité, elle n’apparaissait pas aussi claire à M. Chaulvet, qui, la tête dans ses mains, se perdait dans toute cette affaire et commençait à désespérer de parvenir à la vérité.

Cela lui avait paru si simple : et voici que cette angoissante complication survenait ; le

contrôleur ne reconnaissait pas la victime et