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le mystère du b 14
d’autre part, il y avait un complice qui sautait

du train, car on ne pouvait douter de l’assertion de Rosic, et il fallait bien admettre que l’homme vêtu de verdâtre qui venait si malencontreusement d’échapper à Rosic avait forcément joué un rôle dans l’aventure…

Et il conclut :

— Cette affaire est angoissante…

Mais Rosic :

— Il faudrait, sans doute, Monsieur le procureur, donner des ordres pour que l’homme au complet verdâtre ne nous échappe point…

— Mais…

— Puisqu’il est à Valence, où il vient de voler le veston de sa victime…

M. le procureur déjà tendait la main vers son timbre d’appel, quand, tout à coup, la porte s’ouvrit brusquement, et M. Guillenot le sous-chef de gare apparut, tout rouge d’avoir couru, et passablement essoufflé.

— Du nouveau, cria-t-il, sans même dire bonjour, tant il était ému.

— Quoi ? firent d’une même voix M. Chaulvet et Rosic.

— On vient de me téléphoner de Saint-Rambert-d’Ablon qu’un homme qui descendait à contre-voie du 234 s’est fait écraser par un train-poste qui brûle la gare…

Rosic et M. Chaulvet regardèrent Guillenot : quelle importance pouvait avoir cet humble fait divers ?

Mais M. Guillenot expliqua :

— Quand un homme, dans une grande gare, descend d’un train à contre-voie, c’est qu’il n’a pas la conscience tranquille… c’est qu’il ne tient pas à être remarqué… Or, vous savez que l’assassin du B-14 se trouvait précisément dans le 234, et s’y trouvait sans billet… Il a donc essayé de disparaître à la première grande gare où il le pouvait faire sans être trop remarqué… Ce n’est qu’une impression, mais il me semble bien que ce voyageur qui vient de se faire couper à Saint-Rambert doit être notre homme !…

— Décidément, approuva M. Chaulvet, vous feriez un remarquable policier, car tout prouve que là encore vous venez de mettre dans le mille…

— Partons pour Saint-Rambert, interrompit M. Rosic, à qui ces éloges au sous-chef de gare étaient des plus déplaisants…

Et il quitta le cabinet de M. Chaulvet, suivi par le procureur de la République, et tous deux sautaient dans l’auto qui attendait devant le palais de justice.

— Et le contrôleur ?… fit Rosic. Nous en aurons besoin pour identifier le cadavre…

— En effet…

Le contrôleur sortait du palais avec M. Guillenot ; il s’apprêtait à regagner quelque hôtellerie proche pour s’y coucher enfin et tâcher de dormir quelques heures, car il était brisé de fatigue ; aussi eut-il un mouvement de désespoir quand M. Chaulvet, bondissant sur lui, le poussa vers l’auto, disant :

— C’est que nous avons besoin de vous, là-bas…

Le contrôleur eut un haut-le-corps ; il essaya de résister ; mais à quoi bon ! Et après un hochement de tête résigné, les yeux papillonnant de sommeil, il grimpa dans l’auto, où il ne tarda pas d’ailleurs à ronfler comme une toupie d’Allemagne.

L’auto filait.

Rosic et M. Chaulvet se taisaient éperdument.

Mais leurs pensées étaient identiques, et tous deux, respectivement, dans leur esprit, roulaient les péripéties mystérieuses de cet étrange drame, se demandant si, cette fois ils allaient pouvoir en percer le mystère.

Une heure après, l’auto traversait la petite ville de Saint-Rambert-d’Ablon et s’arrêtait devant la gare, qui se trouve à l’extrémité nord du pays.

MM. Chaulvet et Rosic pénétraient en trombe dans le bureau du chef de gare, et après s’être fait connaître :

— Le cadavre de l’homme écrasé par le train-poste est-il toujours ici ?…

— Toujours, répondit le chef de gare… Il se trouve dans un des dortoirs des mécaniciens, en attendant sa mise en bière…

— L’a-t-on identifié ?…

— La chose a été malheureusement impossible… Ses poches ne contenaient aucun papier… seulement de l’argent… de l’or, en livres indiennes et des bank-notes… environ pour une dizaine de mille francs…

— Parbleu, fit M. Chaulvet… ce diable de Guillenot ne s’est pas trompé… C’est bien notre assassin du B-14…

— Un assassin ?… s’exclama le chef de gare.

— L’erreur n’est pas possible… Pas de papiers… Il a détruit tous ceux qu’il pouvait avoir…

— Pas tous, interrompit le chef de gare, car il avait une valise contenant, avec quelques instruments de toilette, de gros ballots de papiers, dont malheureusement on n’a pu prendre connaissance, car ils sont tous écrits en anglais…

— On les fera traduire, s’écria Rosic qui,

se tournant vers M. Chaulvet, ajouta : ces