Page:Brisson - Pointes sèches, 1898.djvu/39

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sait En route, il crut devoir faire une retraite de quelques semaines dans un couvent de trappistes. Il y fut accueilli avec les égards dus à son nom déjà célèbre et à l’excellence de ses desseins. Il se montra digne de l’hospitalité qui lui était offerte, et se soumit sans plainte et sans défaillance à la règle rigoureuse de l’ordre. Il veilla, fit maigre chère, s’infligea des pénitences. Il fut, en somme, un très bon moine. Il ne demanda au Père supérieur qu’une faveur, qui était de fumer des cigarettes. Celui-ci trouva le moyen d’accorder le désir qu’il avait de lui complaire avec les scrupules de sa conscience : « Mon fils, lui dit-il, nous devons suivre les intentions de saint Benoît, notre fondateur, mais non pas aller au delà. Or, saint Benoît, ayant vécu au Xe siècle, ne pouvait connaître le tabac qui fut répandu en Europe quatre cents ans après sa mort. Il est donc muet sur l’usage de cette herbe. Et je n’ai point de raison de m’opposer à votre caprice. Fumez, mon fils !… » M. Huysmans fuma et n’eut que plus de courage pour supporter les macérations. Telles sont les particularités qui nous ont été révélées sur l’existence intime de M. Huysmans.

Au point de vue littéraire, son cas est tout à fait exceptionnel. Il s’enrôla d’abord dans l’armée du naturalisme, et fut un des collaborateurs des Soirées de Médan. Émile Zola lui consacra, ainsi qu’à Henry Céard, un long article, et le loua avec la tendresse d’un maître qui protège son disciple. Mais il