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HISTOIRES POÉTIQUES

Tu rayonnes encor, dans ta niche parée,
Sous la chape d’argent et la mitre dorée,
Et voici qu’à cette heure, humble et doux immortel,
Un voyageur qui chante est devant ton autel…

IV

Or le vieillard, guidant l’enfant à tête blonde
Qu’une charge de fleurs et de feuillage inonde.
Me dit : « Je viens aussi vers le patron du lieu
(Et sa voix, par respect pour la maison de Dieu,
Lentement s’abaissa) ; mais vous dans cette église !
Vous dans cette tribu qu’aujourd’hui l’on méprise !
Un homme de la ville en ce bourg isolé,
D’où plus d’un malheureux, hélas ! s’est exilé !
Pourtant son nom brillait dans nos vieilles histoires,
Il avait ses pardons, ses marchés et ses foires ;
Mais on nous a tout pris, et le chemin nouveau
Fera de ses débris un immense tombeau.
Je puis ainsi pleurer dans toute ma tristesse,
Moi qui dès mon enfance ici servais la messe,
Quand devant nos autels je rencontre un seigneur
Qui, des grands souvenirs épris, leur rend honneur. —
Ah ! cet ange qui suit par la main son vieux père
Sait que dans l’avenir par lui du moins j’espère !
Mais malheur aux ingrats, honte à ces oublieux
Qui foulent sous leurs pieds les os de leurs aïeux !
Le plus humble grandit s’il comprend la noblesse ;
Celui qui jeune encor sait aimer la vieillesse
Conserve son cœur jeune, et vieux il se verra
Vénéré par les fils de ceux qu’il vénéra ! »