Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/169

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Jeune homme, hier encore, arrangiez mes béquilles,
Sous le hêtre où, parfois, lasse, j’aime à m’asseoir,
Allez, Tan-gui, mon fils, et là, dans le trou noir,
Plongeant tout votre bras, rapportez la nichée
Mystérieusement sous les feuilles cachée. »

La vieille se taisait. Aussitôt le fermier,
Comme maître et doyen s’avançant le premier,
Mit solennellement la flamme au tas de lande ;
Puis, du Saint de l’endroit entonnant la légende,
Tous, le front découvert avec dévotion,
Formèrent douze fois une procession[1].
Ensuite, de leur crèche amenés par les pâtres,
Bœufs et vaches, taureaux rétifs, poulains folâtres,
Durent par le bûcher, sous les cris et les coups,
Passer : leurs yeux roulaient effarés, leurs grands cous
Poussaient des beuglements lamentables et mornes.
Et dans l’air enflammé s’entre-choquaient leurs cornes.
Mais les bergers enfants, pour qui tout est un jeu,
S’offraient joyeusement à l’épreuve du feu.
Cependant de sa course à travers les campagnes,
Hors d’haleine, arrivait Renée ; et ses compagnes
Chantaient : « Renée a vu neuf feux de la Saint-Jean,
Elle aura son époux avant la fin de l’an.

— Elle l’aura ce soir, reprit la bonne vieille.
Le voici qui s’avance. Il apporte, ô merveille !
La dot qu’un hêtre creux recueillit jour par jour ;
Nid d’or par moi rempli, quinze ans, avec amour.
Oh ! Rî-Wall, homme fier, ne dressez pas la tête !

  1. En l’honneur des douze apôtres.