Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/198

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Aux chapeaux qui parfois se levaient sur sa route
À peine répondait son chapeau goudronné :
« Comme vous passez fier ! Une dame sans doute
Vous attend au manoir, jeune homme fortuné !

— Ils l’ont dit : je vais voir ma maîtresse, ma dame,
La fée à qui j’offris dès quinze ans mes amours,
La Sirène aux yeux verts qui chante dans mon àme !… »
Et le fier matelot marchait, marchait toujours.
 
Aux murs de Lorient il arrive, il salue
La gracieuse tour svelte comme un fuseau ;
Coudoyé des marins à chaque coin de rue.
Il lit sur leur ruban le nom de leur vaisseau.

Son cœur est plein de joie et ses yeux sont en larmes ;
L’air salin de la mer ravive son vieux sang ;
Le voici dans le port, et, sur la place d’Armes,
Le bruit des artilleurs l’arrête frémissant.
 
Passent des officiers aux brillants uniformes ;
Plus loin c’est l’arsenal avec ses noirs canons,
Et les boulets ramés et les bombes énormes.
Mille engins dont la mort aime et connaît les noms.

Les marteaux des calfats enfonçant leurs étoupes
L’attirent, et, poussant gardiens et matelots,
Par-dessus les pontons, les radeaux, les chaloupes,
Il approche, il revoit la merveille des flots.