Page:Brizeux - Œuvres, Histoires poétiques III-VII, Lemerre.djvu/222

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Tandis que les rameurs amarraient près du môle
(Ton havre, ô saint Ildût) et que sur son épaule
Chacun péniblement chargeait un sac de grain,
La vierge aux grands yeux purs, mais voilés de chagrin,
Telle qu’une sirène en surgissant de l’onde,
Sur son col répandait sa chevelure blonde,
Et pieds nus s’avança vers l’église du lieu ;
Tout me dit qu’elle allait pour accomplir son vœu :
À cette allure ferme, à cet air de rudesse.
Ou t’eût prise, ô Brita ! pour une druidesse.

II

Or, ces vœux accomplis au patron de l’Aber,
Elle disait, la vierge, au front large, à l’œil fier,
Debout devant l’église, elle disait, tranquille :
« Pourquoi, gens de la terre, admirer ceux de l’île ?
Sommes-nous pas Bretons et frères en Jésus ?
Eussâ n’a plus la pierre et les bosquets d’Eusus.
Hier, Pôl, notre évèque, a vu brûler mon cierge.
Ma longue chevelure est celle de la Vierge.
Robustes sont nos bras, car nous semons les blés,
Nous, femmes, quand sur mer les hommes sont allés.
Qu’un navire se brise et sombre sur nos côtes,
Les pauvres naufragés, Dieu le sait, sont nos hôtes.
Si chez vous je descends, c’est que dans mon sommeil
Mon frère, qui voyage au pays du soleil,
Pâle, m’a visitée. Il gardait, l’enfant mousse,
Et sa douce figure et sa parole douce :
« Sœur, aux saints du pays faites une oraison,