Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/118

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Et Merlin, et Merlin, ce roi des éléments,
Soumettant la victoire à ses encbantements !
Si la mort l’eût permis, Arthur, la Table-Ronde
Eût été le pavois et le centre du monde !
Malheur quand tu péris, ô roi géant, malheur !
Toute l’île en poussa de longs cris de douleur,
Et les ours blancs du Nord, en rugissant de joie,
À travers les glaçons nagèrent sur leur proie,
Plus nombreux que les flots houlant par un temps noir.
Plus féroces que nous dans notre désespoir.
O chants de mort ! Hourras sanglants ! Affreux mélanges !
Enfin le Dieu clément nous envoya ses anges.
Tandis qu’en leurs marais les restes des Kemris
Luttaient contre la mort, nous, faibles et proscrits,
Dans nos havres secrets nous déployions nos voiles :
Mais ceux-là dont le front est couronné d’étoiles,
Moines, évêques saints, en tête des vaisseaux,
Au nom du Tout-Puissant les guidaient sur les eaux ;
Et tous ces exilés, comme un chœur angélique.
Abordaient en chantant aux rives d’Armorique. »

LE PRÊTRE.

Frère, quand le soleil, d’aplomb sur ces rochers,
Fera briller au loin la pointe des clochers,
Gravissez le coteau ; là, vers toute chapelle
Tournant les yeux, cherchez comment elle s’appelle,
Et quand vous entendrez, frère, leurs noms bénis,
Vous vous croirez encor dans votre vieux pays,
Tant le vent, qui du nord au sud pousse les lames.
D’une Bretagne à l’autre aussi pousse les âmes.
Ces deux jumelles sœurs ont eu le même sort,
Le même siècle a vu leur naissance et leur mort.