Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/132

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Puis des mineurs passaient comme de longs fantômes ;
D’autres dans le brouillard suivaient à quelques pas ;
On entendait leur marche, on ne les voyait pas.
Tels que les animaux qui craignent la lumière,
Oh ! comme ils se hâtaient de gagner leur tanière,
Ces sombres ouvriers ! Dans leur noir souterrain
Comme tous s’empressaient d’aller chercher leur pain !

Le bon Lilèz, les yeux baissés et l’air farouche,
Jusqu’ici chemina sans même ouvrir la bouche ;
II s’écria soudain : « Ô pauvres paysans !
Nous qui trouvons la bêche et le fléau pesants.
Et notre champ aride, et que le peu qu’il donne,
Semé par le temps froid, par le chaud se moissonne ;
Ce fer qui nous fatigue, ô pauvres laboureurs !
À d’autres malheureux coûta d’autres sueurs !
Oui, de plus malheureux ! car jamais sur leur face
Le souffle bienfaisant d’une brise qui passe.
Jamais un beau soleil pour réjouir leurs yeux,
Ou de fraîches odeurs sortant des chemins creux.
Et jamais dans les blés le chant de l’alouette
Que le fermier écoute en menant sa charrette ! »

« — Ah ! tu dis vrai. Lilèz, repartit avec feu
Le prêtre, qui semblait comme inspiré de Dieu ;
Sur notre vieux pays malheur, quand ses collines
Partout retentiront du fracas des machines,
Lorsque les laboureurs seront des ouvriers,
Et que nos frais étangs, nos ruisseaux, nos viviers
Serviront aux conduits de quelque usine impure,
Enfin le jour où l’art chassera la nature !