Page:Brizeux - Œuvres, Les Bretons, Lemerre.djvu/136

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Mais aucun d’eux n’entra. « Non, disait Lilèz, non !
C’est assez pour un jour ! Hélas ! voyez l’Avon,
Comme son pauvre lit est troublé par l’usine !
Oh ! vive qui voudra dans le fond d’une mine,
Oh ! vive qui voudra dans ce château de fer,
Moi je suis paysan, je veux vivre en plein air !
Pour battre le blé noir, pour piler de la lande,
Ma force désormais sera deux fois plus grande !
Combien je vais aimer mes vaches, mes chevaux !
Viennent tous les lutteurs de Kérien, je les vaux ! »

Le cœur franc de Lilèz débordait ; sur l’épaule
On voyait son habit pendre au bout d’une gaule.
Anna levait sa robe ; et les trois pèlerins
Pour marcher plus gaîment entonnaient leurs refrains.

Jusqu’au bas de Carhaix, la cité montueuse,
De son Malo-Corret[1]* justement orgueilleuse.
Ils allèrent chantant, et, devant sa maison,
Ils ne passèrent pas sans saluer son nom.
Ainsi, le cœur rempli de nos anciennes gloires,
Ces amis sont entrés dans les Montagnes-Noires ;
Mais leur jarret faiblit, leur courage est rendu :
Jour et nuit voyager dans ce pays perdu !
Lilèz ne chante plus ; mais parfois en arrière
Il s’arrête, en tournant les yeux sur la bruyère.
« Lilèz, marcherez-vous ? — Qu’est-ce, cousin Lilèz ?
Des voleurs ? — Parlons bas, Annaïc ! Voyez-les,
Ces petits nains velus sur cette roche bleue :
Comme ils mènent leur ronde en remuant la queue !

  1. La Tour-d’Auvergne