Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/164

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Et tes beaux champs de seigle ! adieu, jeune fermier !
Lorsqu’au lever du jour, joyeux, plein de courage,
Monté sur tes chevaux tu sortais pour l’ouvrage,
Avec toutes ses voix l’harmonieux matin
S’éveillait en chantant à l’horizon lointain :
Le noir Ellé d’abord, ou le Scorf à ta droite
Roulant ses claires eaux dans sa vallée étroite ;
Et, tel qu’un doux parfum, le chant de mille oiseaux
S’élevant du vallon avec le bruit des eaux ;
La brise dans les joncs, qui siffle et les caresse ;
Puis l’appel matinal de la première messe,
Répété tour à tour, comme un salut chrétien,
Du clocher de Cléguer à celui de Kérien. —
Adieu, Daniel ! adieu le bourg, l’église blanche !
Adieu ton beau pays ! Après vêpres, dimanche,
Tes amis te verront pour la dernière fois,
Et tu cacheras mal tes larmes sous tes doigts ;
Car pour nous rien ne vaut notre vieille patrie,
Et notre ciel brumeux, et la lande fleurie !

Mais avant de partir, si tu le peux, va voir
Celle qui demeurait chez sa mère au Moustoir,
Comme si tu voulais, avant ton grand voyage,
Visiter tes amis de village en village.
Assis dans sa maison, alors regarde bien
Si quelque joie y règne, et s’il n’y manque rien,
Si son époux est bon, sa famille nombreuse,
Et si dans son ménage enfin elle est heureuse.
Regarde chaque objet pour me les dire un jour,
Et que dans ton récit je les voie à mon tour.
Attache bien tes yeux sur cette pauvre femme.
Est-elle belle encor comme au fond de mon âme ?