Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/168

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Ainsi, quand, relisant ta merveilleuse histoire,
Et domptant notre orgueil, nous essayons de croire,
Plus forte la Raison nous dit : « Détrompez-vous,
Jésus fut mon ami, mon ami le plus doux.
Mais sous la nuit des temps l’image s’est voilée.
Autrefois je l’ai vu venir de Galilée,
Ses cheveux sur son front tombant avec candeur,
Dans la force de l’âge et toute sa splendeur.
Calme et majestueux, sa longue robe blanche,
Négligemment liée à son cou qui se penche,
Tombait jusqu’à ses pieds, et les plis gracieux
Dans le goût d’Orient revenaient sur ses yeux.
Or, telle de ses yeux était la douce flamme,
Qu’à les voir seulement on devinait son âme,
Et si douce sa voix, qu’un aveugle eût cru voir
Son regard angélique et pur comme un miroir.
Tel qu’un Sage d’Asie, amoureux des symboles,
De sa bouche abondaient de longues paraboles,
Des mots mystérieux, sous lesquels il couvrait
Sa doctrine puisée au lac de Nazareth,
Tous préceptes de paix, de douceur, d’indulgence :
La tendre humilité, l’horreur de la vengeance,
Et le mépris du monde, et l’espoir vers le ciel
Qui prend soin du ciron et de la mouche à miel
Et revêt tous les ans les lis de la vallée
D’une robe de neige, et qu’ils n’ont pas filée,
Plus belle, en vérité, que dans tout son pouvoir
Le grand roi Salomon n’en put jamais avoir.
Ainsi, compatissant, il allait sur la terre,
Faisant fléchir la loi pour la femme adultère,
Aux hommes ne parlant que de fraternité,
Et sans faste orgueilleux prêchant la pauvreté ;