Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Par un gai carillon enfin fut annoncé
L’office de Minuit. « Le chemin est glacé,
Disait Joseph Daniel en traversant la lande.
Chaque pas retentit. Comme la lune est grande !
Entends-tu, dans le pré, des voix derrière nous ?
— Oui, j’entends des chrétiens, des pasteurs comme vous.
Ils ont vu cette nuit la légion des anges
Passer et du Très-Haut entonner les louanges :
Gloire à Dieu ! gloire à Dieu dans son immensité !
Paix sur la terre aux cœurs de bonne volonté !
Et tous vont adorer Jésus, l’enfant aimable,
Le roi des pauvres gens, le Dieu né dans l’étable. »

O vivants souvenirs ! La nuit, par ce beau ciel,
Tandis que nous marchions en célébrant Noël,
Les arbres, les buissons, les murs du presbytère,
Dans la brune vapeur passaient avec mystère.

Toute l’église est pleine ; et courbant leurs fronts nus,
Les pieux assistants chantent l’Enfant Jésus ;
Chaque femme en sa main porte un morceau de cierge ;
On a placé la crèche à l’autel de la Vierge ;
Je reconnais les saints, la lampe, les deux croix ;
Enfin tout dans l’église était comme autrefois.
Moi seul je n’étais plus debout près du pupitre,
Chantant à l’Évangile et chantant à l’Épître ;
Mais, oublié des gens qui m’avaient bien connu
Et s’informaient entre eux de ce nouveau venu,
Je restais, comme une ombre, immobile à ma place,
Muet, ou pour pleurer les deux mains sur ma face.

A la Communion, quand le prêtre arriva
Offrant le corps du Christ, mon front se releva.