Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/30

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entre Lorient et le Faouet, c’est-à-dire sur la limite du pays de Vannes et de la Cornouaille, est le petit village d’Arzannô, qui appartient aujourd’hui au département du Finistère. C’est un chef-lieu de canton composé de quelques maisons de paysans. Là, tout est celtique, la langue, les mœurs, les costumes. La terre aussi a bien sa physionomie distincte : nulle part on ne voit la lande plus sauvage, les genêts plus verts, le blé noir plus vivace, les chênes plus solidement fixés dans un sol de granit. Les deux fleuves chers aux Bretons, le Scorf et l’Ellé, coulent à quelque distance, le Scorf à l’est, l’Ellé à l’ouest. Ce qui est bien breton surtout, c’est le presbytère et la vie du recteur au milieu de ses paysans. M. Sainte-Beuve, à propos de Jocelyn, mettant en scène cette famille de pasteurs et de vicaires chantés par les poètes ou poètes eux-mêmes, comme il y en a de si gracieux exemples en Angleterre et en Allemagne, ajoute ces mots : « La vie de nos curés de campagne en France n’a rien qui favorise un genre pareil d’inspiration et de poésie. S’il avait pu naître quelque part, c’eut été en Bretagne, où les pauvres clercs, après quelques années de séminaire dans les Côtes-du-Nord, retombent d’ordinaire dans quelque hameau voisin du lieu natal. M. Brizeux nous a introduits parmi ce joyeux essaim d’écoliers qui bourdonnait et gazouillait autour des haies du presbytère chez son curé d’Arzannô. » Arzannô, comme on voit, est déjà un lieu consacré dans l’histoire de la poésie ; on le citait, il y a vingt ans, à côté du délicieux Auburn de Goldsmith et de ce village de Grünau, où Voss, l’auteur de Louise, a placé son vénérable pasteur. Le poète qui fera la célébrité d’Arzannô y arrive aujourd’hui tout enfant ; il va vivre comme un clerc auprès du curé, il portera l’aube blanche, il chantera la messe dans le chœur, et c’est là, entre le presbytère et les champs de blé noir, entre l’église et le pont de Kerló, que naîtra sa poésie, vraie poésie du sol, naïve, rustique, chrétienne, et merveilleusement encadrée dans un paysage d’Armorique.

Les amis de Brizeux l’ont bien souvent interrogé sur ces années de son enfance ; il éludait toujours les questions, laissant aux idylles de Marie le soin de se traduire elles-mêmes. Il parlait