Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/45

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d’enthousiasme, dans la pièce qui clôt le recueil. Rappelez-vous le chant du poète après la messe de minuit, sur les rochers qui dominent Ker-Rohel, et voyez avec quelle grandeur se termine ce poème commencé d’une façon si naïve ! Des songes de l’enfance, nous sommes arrives aux plus mâles inspirations de la virilité. Ce n’est plus l’enfant qui rêve, c’est l’homme qui pense. Ce n’est plus l’amoureux du pont Kerlô, c’est l’artiste fortifié par la réflexion et l’étude, qui glorifie dans la Bretagne la terre de la simplicité primitive et de la fidélité opiniâtre, la terre qui nourrit des chênes dans ses fanes de granit,

Brizeux n’avait pas atteint du premier coup à cet idéal. La troisième édition de Marie (M. Sainte-Beuve a dit que c’est la perfection même) est bien supérieure à la première. La première, publiée en 1831[1] sans nom d’auteur, portait le titre de roman, que Brizeux devait effacer plus tard avec colère. Cette erreur de titre prouve que l’auteur de Marie ne possédait pas encore cette philosophie de l’art devenue chez lui bientôt si précise et si originale : il n’a jamais pu pardonner à ceux que nous avons vus, dans leur insouciance superbe, confondre le roman et la poésie. La troisième édition, Marie, par Brizeux, est de 1840. Pendant ces neuf années le poète avait perfectionné son éducation d’artiste. Quelques semaines après lu publication de son œuvre, dans les derniers jours de novembre 1831, il partait pour l’Italie avec M. Auguste Barbier. L’auteur des Iambes en rapporta le poème du Pianto, dont une des plus belles pages, Le Campo Santo, est dédiée à son ami. Si Brizeux ne fut pas aussi prompt à chanter son voyage[2], il y recueillit des leçons bien précieuses qu’il devait mûrir encore dans des séjours prolongés à Florence et à Naples. Il revint de cette première excursion au mois d’août 1832 ; deux ans plus tard, il repartait pour Rome, après s’être arrêté quelques mois à Marseille. Il y a là un épisode de sa vie qui ne doit pas être oublié. M. Ampère, qui avait préludé devant l’Athénée de Marseille à ses

  1. Marie a paru au mois de septembre 1831, bien que le livre porte la date de 1832
  2. Le Pianto avait paru au mois de janvier 1855.