Page:Brizeux - Œuvres, Marie, Lemerre.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
NOTICE

le pays de la fleur d’or et ne la trouvait plus. Ce dernier voyage avait duré plus de deux ans ; il revint en France au mois d’avril 1849, passa quelque temps à Paris, donna une seconde édition des Bretons, et repartit pour la Cornouaille. Il avait besoin de calme, il voulait revoir la vie humaine dans son harmonie et sa sérénité ; ce qu’il avait cherché vainement en Italie, ce que Paris ne lui aurait pas donné non plus, il le trouva aux bords de l’Ellé.

Les deux derniers recueils de Brizeux, Primel et Nola, et les Histoires poétiques, relèvent de la même inspiration. On a remarqué dans La Fleur d’or la pièce si dramatique et si touchante intitulée Jacques. Un pauvre maçon, nommé Jacques, travaille avec son compagnon sur un échafaudage qui s’écroule ; la planche qui les relient encore est trop faible pour les supporter tous les deux, il faut que l’un périsse afin que l’autre soit sauvé. « Jacques, dit le compagnon, j’ai une femme et trois enfants. — C’est vrai, » dit Jacques, et il se précipite dans la rue. Ces traits de dévouement, d’héroïsme naturel et simple, ne passaient jamais inaperçus pour Brizeux. Il en remplissait sa mémoire, il les racontait à ses amis. Je l’entends encore s’écrier : « Est-ce beau ! est-ce beau ! » Et les larmes lui venaient aux yeux. En Bretagne, à Paris, partout, il avait recueilli de ces fleurs du bien, car c’était là un de ses principes ;

La fleur de poésie éclôt sous tous nos pas,
Mais la divine fleur, plus d’un ne la voit pas.

Lui, il la voyait toujours. Il avait donc toute une collection d’histoires de ce genre. Quelques-unes d’entre elles étaient comme les notes des Bretons ; il s’en était servi pour son poème, et ne comptait pas en faire un autre usage. Il y eut même un instant dans sa vie où il crut avoir accompli son œuvre ; Marie, La Fleur d’or et Les Bretons composaient tout un cycle parfaitement clos, et désormais, disait-il, il ne pouvait plus que se répéter. Un peu décourage peut-être, ou plutôt trop résigné à des pensées modestes, il eût sans doute prolongé son silence, si ses amis ne lui eussent révélé à lui-même quelle veine de poésie circulait dans sa conversation enthousiaste, abondante, toute pleine de sentiments et