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LE DEVENIR DANS LA PHILOSOPHIE DE PLATON

II. — L’Âme universelle.

Dans le Timée, Platon nous dit que le monde est l’œuvre d’un Dieu, façonnée par ce Dieu parce qu’il était bon, c’est-à-dire exempt d’envie, ἄφθονος. Ce Dieu a reçu le nom de Démiurge. C’est un ouvrier travaillant, pour ainsi dire, les yeux fixés sur des modèles. Ces modèles sont les Idées. C’est d’abord sur l’Idée du Vivant en soi que le regard de l’ouvrier se fixe. À l’imitation de ce modèle éternel qui contient tous les êtres vivants, il s’agit de former un vivant qui soit le monde.

Du monde, le Démiurge va tout d’abord façonner l’âme. Il va prendre l’essence du Même, l’essence de l’Autre. À ces deux essences, il en ajoutera une intermédiaire, qui est peut-être — risquons la conjecture — le nombre mathématique. Une fois ces trois essences mélangées, Dieu les force à s’unir et de la façon la plus intime. Une masse en résulte. Le Démiurge divise cette masse en deux bandes d’égale longueur, plie chacune de ces bandes, en joint les extrémités et obtient ainsi deux cercles. Ces deux cercles, il les dispose concentriquement et les incline l’un sur l’autre ainsi que le cercle de l’écliptique est incliné sur celui de l’équateur. L’un de ces cercles est appelé le cercle du même : il reçoit un mouvement éternel et régulier. Le second cercle, celui de l’autre, se mouvra en sens contraire, régulièrement d’ailleurs, mais d’un mouvement contenu, maîtrisé par celui du premier cercle. Si l’on considère le second cercle, on y observe des divisions. Le Démiurge les a faites selon des proportions mathématiques correspondant, d’une part, aux mouvements des planètes tels qu’on se représentait alors les mouvements, de l’autre, aux intervalles musicaux, tels qu’on les mesurait chez les Pythagoriciens. Il y a là une richesse de détails astronomiques et musicaux sur lesquels s’exercera la subtilité critique des Grecs, et qui nous vaudra tout un commentaire justement célèbre de Plutarque.

L’âme de l’Univers est formée. Le Démiurge en enveloppe le corps du monde. Il rend cette masse visible et tangible,