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LA THÉORIE PLATONICIENNE DE LA PARTICIPATION

qu’ensuite il démontrât qu’elles peuvent être mêlées les unes avec les autres et séparées les unes des autres, je serais frappé d’étonnement. » Zénon et Parménide approuvent en souriant et louent la sagesse de Socrate ; telle est la première difficulté signalée avec insistance par Socrate ; nous pouvons nous attendre à ce qu’il soit question dans la suite de la participation des Idées entre elles, et nous verrons que c’est la question essentielle posée par le Parménide et le Sophiste.

2° Qu’il y ait des Idées séparées du monde sensible, telles que le juste, le beau, et le bon, c’est ce que Socrate accorde sans difficulté à Parménide, mais quand celui-ci demande s’il y a aussi des Idées des choses sensibles, telles que l’homme, l’eau et le feu, Socrate hésite ; et il hésite encore bien davantage quand il s’agit de savoir s’il y a des Idées en soi des choses les plus viles, telles que poil, boue, ordure. Par prudence il préfère détourner son attention de ces questions et s’en tenir à l’affirmation des première Idées (130, C). Notons cependant qu’il a déjà une tendance à admettre des idées de toute chose, et Parménide lui prédit que, quand il sera plus avancé en âge et que la philosophie se sera tout à fait emparée de lui, ces hésitations disparaîtront.

3° Les choses qui participent aux Idées participent-elles aux Idées tout entières ou seulement à une partie ? Si les choses participent à la totalité de l’Idée, l’Idée étant tout entière en elle et dans les choses et séparée d’elle-même devient multiple. On ne peut pas dire avec Socrate qu’il en est de l’Idée comme de la lumière du jour qui éclaire toutes choses sans cesser d’être une. Parménide répond tout aussitôt par un exemple tout contraire : celui d’un voile qui couvre en même temps plusieurs hommes et qui, évidemment, n’est sur chacun de ces hommes que par une de ses parties. Dira-t-on que les choses participent à une même partie ? Il faudra accorder alors que les choses deviennent grandes par une partie de la grandeur, égales par une partie seulement de l’égalité, petites par une partie de la petitesse, qui alors deviendra grande par rapport à sa partie tandis que la chose deviendra petite par cela seul qu’on lui aura ajouté quelque chose. En outre, si c’est parce qu’on aperçoit dans un grand nombre de choses un même caractère, par exemple la grandeur, qu’on admet l’exis-