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XXI
INTRODUCTION

à rechercher si et comment les Idées pouvaient entrer en rapport entre elles et avec les choses ; et c’est de ce problème énoncé par le Parménide avec une extrême subtilité et sous ses aspects les plus divers que le Sophiste apporte la solution : cette correspondance des deux dialogues fut mise en lumière par Brochard, dans le dernier article qu’il ait écrit, avec une merveilleuse finesse d’argumentation et d’analyse[1]. Quoi qu’il en soit, le problème de la participation une fois résolu, Platon n’avait plus qu’à s’occuper des applications de sa doctrine et qu’à rendre compte du monde sensible ; il n’avait pas à revenir sur les principes précédemment établis. Voilà pourquoi la doctrine des Idées, qu’il avait, non point rejetée, mais vigoureusement dégagée des interprétations éléatiques qui pouvaient la fausser, est moins visible, quoique toujours présente, dans le Philèbe, qui porte sur une question de psychologie morale, dans le Timée, qui est un traité de physique, dans les Lois, qui sont un traité de droit civil et criminel.

Telles étaient les conclusions auxquelles s’arrêtait Brochard dans son étude du platonisme. Elles répondaient au dessein qu’il avait toujours eu de montrer dans Platon la tendance à briser les cadres étroits de l’Éléatisme, à déterminer, par-dessous l’idéal de la certitude scientifique, inspiré du plus pur esprit rationaliste, des modes de connaissance appropriés au devenir des choses aussi bien qu’à l’imperfection des facultés humaines : de là l’importance attribuée à l’opinion vraie ; de là le rôle des mythes, qui, loin d’être des fictions extérieures au système, enveloppent au contraire, sur des objets inaccessibles au rigoureux savoir, des conjectures que le système autorise[2] ; de là encore la fonction assignée à l’amour dans la philosophie platonicienne, fonction auxiliaire et intermédiaire, qui est à la vérité et au bien ce que la recherche de la science est à la science, ce que la philosophie est à la

  1. La Théorie platonicienne de la participation d’après le Parménide et le Sophiste, p. 113-150.
  2. Les Mythes dans la philosophie de Platon, p. 46-59.