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PHILOSOPHIE ANCIENNE

opposait. Pour cela il se servit de deux séries d’arguments, l’une contre le multiple, l’autre contre le mouvement ; c’est seulement de cette dernière que nous nous occuperons.

Tout en distinguant ces deux séries d’arguments, il faut reconnaître qu’il y a entre elles un lien étroit. C’est parce que Zénon a nié la pluralité qu’il nie le mouvement. En effet, le mouvement suppose le temps et l’espace, qui sont des continus ; c’est parce que ces continus ne sont pas composés ou, comme dit Zénon, ne sont pas multiples, que le mouvement y est impossible. Le mouvement, s’il est réel, divise le temps et le lieu où il s’accomplit ; il ne peut donc se produire dans un continu sans parties.

Si le temps et l’espace ont des parties, si le continu est composé, de deux choses l’une : ou ces parties sont divisibles à l’infini, ou elles sont des éléments indivisibles. Zénon réfute la première de ces suppositions par les arguments connus sous les noms de la Dichotomie et l’Achille ; la seconde par la Flèche et le Stade. Les quatre arguments forment ainsi un dilemme. C’est ce que le premier, M. Renouvier, a montré dans le chapitre des Essais de critique générale[1] consacré à Zénon d’Élée. Toutefois, il laisse de côté le quatrième argument, le stade. Nous ferons voir au contraire que ce raisonnement, qui a tant embarrassé et scandalisé les historiens, se rattache étroitement aux précédents et complète la démonstration.

Les quatre arguments forment un système d’une curieuse symétrie. Le premier et le quatrième considèrent le continu et le mouvement entre des limites données ; le second et le troisième les envisagent dans des longueurs indéterminées et quelconques. Dans le premier et dans le troisième, un seul mobile est chargé de réaliser le mouvement, et il se trouve que le commencement même du mouvement est impossible. Le second et le quatrième, par la comparaison de deux mobiles en mouvement, rendent en quelque sorte plus sensible l’absurdité de l’hypothèse, prouvent que le mouvement, même commencé, ne saurait continuer, et démontrent l’impossibilité du mouvement relatif aussi bien que du mouve-

  1. Logique, t. I, p. 67.