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TROISIÈME PARTIE

droit, nous demandions à tous les voyageurs, de taille moyenne : Pardon, n’êtes-vous pas M… Je commençais à me décourager, lorsque mon cousin vint à moi, d’un air triomphant, en me présentant mon père : Voici mon oncle, me dit-il.

Quelle chose étrange, que le jeu de l’imagination, le physique de mon père n’avait aucun rapport à l’image qui m’était restée de sa personne. Lorsqu’il quitta la France, il était encore jeune, brillant, 15 ans d’absence l’avait bien changé ; il avait l’air brisé, les cheveux gris, il paraissait affaissé, lorsqu’il vint à moi, il me parut assez indifférent ; j’étais glacée. De son côté, je n’étais plus pour lui, la petite fille qu’il avait laissée, j’étais une femme, mère de famille, il m’embrassa, mais nous étions étrangers l’un à l’autre, désormais.

Nous nous acheminâmes vers notre appartement, en arrivant nous nous mîmes à table, mon mari le reçut assez bien, nous parlâmes du passé, des misères que ma mère avait eu à subir à Orléans, et de son courage pour faire face à tout, naturellement nous n’étions pas doux pour l’empereur.

L’exilé ne vit pas ma mère, elle était encore dans sa famille avec mon petit garçon.

Mon père n’était pas satisfait de mon mariage, mon mari n’était pas à son gré ; il était fâché contre ma mère à cause de l’union qu’elle m’avait fait contracter.

Il avait rêvé que j’épouserais un fils de Pierre Lachambaudie, le fameux fabuliste ; il aurait été heureux d’établir un trait d’union entre eux.

Le lendemain il partit de bonne heure pour aller